C’est
à 6 ans que Melvina a été placée à l’école résidentielle
St. Joseph, à Spanish, en Ontario. La photo de gauche a été prise
par ma grand-mère, qui a rendu visite à Melvina et à mon père, aux
alentours de 1923. Les écoles résidentielles découlaient de la Loi
sur les Indiens de 1876 et étaient financées par le ministère des
Affaires indiennes, à Ottawa. Elles étaient dirigées par diverses
dénominations religieuses, dont le but premier était d’assimiler les
Indiens à la société dominante. C’étaient des écoles de métier
centrées sur l’endoctrinement, où les garçons apprenaient un métier
et les filles, les tâches domestiques. La langue, la culture et la
spiritualité indiennes étaient proscrites. Les enfants ne pouvaient pas
s’en sortir. Melvina se souvient que les garçons étaient séparés des
filles. Elle ne pouvait voir son frère, placé dans un bâtiment voisin
du sien, que quelques minutes chaque semaine. Elle raconte que beaucoup d’enfants
ont tenté de se sauver, mais étaient toujours rattrapés et subissaient
alors de sévères punitions. Mon père se rappelle pour sa part avoir vu
avec ma grand-mère, depuis la rive de l’île d’Aird, ses oncles
George et Clayton ramer vers eux à bord d’une embarcation en bois.
Ma
grand-mère m’a expliqué qu’ils se sauvaient des prêtres qui leur
faisaient subir de mauvais traitements. Melvina raconte encore que pendant
l’hiver, les enfants n’avaient pas de manteau; c’est ainsi qu’on
les empêchait de se sauver. Elle se rappelle très bien s’être
réveillée une nuit et avoir constaté que le lit placé devant le sien
était vide. Au matin, elle a regardé par la fenêtre et vu les prêtres
se diriger dans sa direction à travers le champ enneigé. Ils portaient
le corps gelé d’une jeune fille qui avait tenté de se sauver.
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